Faire quelque chose ensemble était une évidence, la montre s’est imposée. Aldo a passé près de quarante ans à en faire. Avec son frère Mario, ils ont mis tout ce qui compte pour eux. Si elle a du succès, tant mieux, sinon tant pis.
Bimbu se prononce à l’italienne et s’écrit à quatre mains. Il y a Aldo Magada, 66 ans, dont près de quarante passés dans l’horlogerie, et Mario, 63 ans, dirigeant dans la pharmacie à Genève. Ils ne sont plus que deux dans la fratrie. Ils étaient trois et celui qui manque est toujours là. C’est lui qui a fait de l’envie une nécessité et leur a dit un jour : « Ce n’est pas exclu que vous réussissiez. » Aldo et Mario feront tout pour ça et, quand bien même la sauce ne prendrait pas, ils auraient quand même réalisé « de belles montres pour la famille ». Et comme pour se rappeler qu’on est toujours petits face à son destin, les frères ont ressorti le sobriquet de leur enfance, « Bimbu ».
Aldo engage le récit. Ses premiers mots sentent la routine du dirigeant de marque qu’il a été à moult reprises dans sa carrière – son dernier poste était chez Vulcain et Anonimo, après Zenith. Quelques mots-clés pour commencer : « Authenticité, plaisir, transparence, design. » Puis un argumentaire ciblé : « Tous les sous-traitants sont indiqués. Nos montres ne sont pas “Swiss made”, elles sont 100 % faites en Suisse ! » Il connaît la chanson : le label « Swiss made » se limite à exiger 60 % de valeur ajoutée en Suisse, il ne voulait pas s’arrêter là.
Les détails avant les marges

« Nous sommes un comptoir horloger, dit-il encore. Pour nous, c’est la bonne façon de faire du haut de gamme sans manufacture. » Les termes sont choisis. Dans le secteur, tout le monde sait que de grandes maisons ont commencé ainsi, en s’appuyant sur le savoir-faire des artisans indépendants, sans avoir leur propre capacité de production.
Les frères Magada se sont surtout permis de faire comme ils en avaient envie, sans les habituelles limitations imposées par les affaires. « Le business horloger est dicté par les marges et ça ne pousse pas à faire des choses différentes », pointe Aldo. Mais l’indépendance a un coût : pour arriver à la première série de cent pièces, ils n’ont pas hésité à investir « l’équivalent d’un bel appartement à Genève ».
Aldo sort un présentoir de son sac, finition cuir à l’italienne. Le pose sur la table et y étale les six versions de la Patrium, le premier modèle. Le prix tourne autour de 14 000 francs. À la fois classique et spéciale, contemporaine, fine, légère. Les détails de construction et le soin des finitions sautent aux yeux. Ils sont partout : cadran, aiguilles, boîte, bracelet, mouvement.
Luxe et respect de la clientèle
La motorisation est assurée par des Peseux 7001, un mouvement historique, reconnu pour ses performances et sa longévité. Il n’est plus produit aujourd’hui, mais il en restait un stock d’époque chez Concepto, un motoriste bien connu de La Chaux-de-Fonds, qui les a révisés et décorés. Sur les cadrans, le compteur de petite seconde est en pierre semi-précieuse : marne, quartzite, nacre Tahiti, lapis-lazuli. La même pierre revient en inserts à l’arrière de la montre. Un rappel du passage d’Aldo Magada chez Piaget – la marque est maîtresse en la matière.
Mario poursuit la présentation. « La montre est luxueuse, mais discrète, avec une belle puissance au poignet. » Il pointe les détails de la boîte, « à la fois traditionnelle et technique » – dessinée par l’agence de design Edge et réalisée par AB Product, encore des adresses réputées. Avant de souligner sa confiance d’avoir un produit qui a passé l’épreuve du feu : « Deux prototypes sont arrivés en juillet dernier. On les a portés et on les a malmenés. » Aldo prend le relais en précisant que le service après-vente est déjà en place à l’échelle mondiale. Le suivi de la montre tout au long de son cycle de vie est un point déterminant, une affaire de respect, explique-t-il : « Le luxe, ce n’est pas juste pour se vanter, c’est faire bien les choses pour tes clients. »